Comme d’autres collectivités avant elle, la Communauté de Communes de Bretagne Romantique s’engage dans un Projet Alimentaire Territorial. Mais à quoi peut bien servir un Projet Alimentaire Territorial (PAT), dans quel contexte se met-il en place et quels en sont les enjeux?
Ce tour d’horizon de la question de l’alimentation à travers les siècles et pour les années à venir tente de répondre à cette question. En effet, se préoccuper de la capacité de nos territoires à nourrir les populations qui y vivent ne date pas d’hier. Et elle est probablement à l’origine des évènements et des évolutions parmi les plus importantes de l’Histoire de l’Humanité.
Alimentation et Histoire
Avant de se sédentariser, les populations étaient nomades et suivaient les migrations animales, le rythme des saisons de cueillette et les cours d’eau pour pourvoir à leurs besoins. Puis, au Néolithique, il y a 12 000 ans, plusieurs peuples ont fait le choix de se sédentariser pour se consacrer à la culture d’un nombre réduit de plantes et à l’élevage des animaux, optant pour des activités risquées et réclamant bien plus d’efforts significatifs et continus que la chasse et la cueillette.
L’émergence de l’agriculture sédentaire a des conséquences incalculables sur l’organisation sociale. Afin que chacun se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions, naissent les clôtures, les défenses, puis la notion de propriété privée et les droits qui s’y attachent. Les populations humaines s’installent dans des lieux où ils peuvent organiser des transports, se fournir en eau, construire des réseaux d’irrigation et bénéficier de terres fertiles, le plus souvent à proximité des berges des fleuves.
Petit à petit, ces premiers établissements sédentaires dont certains représentaient jusqu’à plusieurs milliers de personnes ont eu besoin de se protéger (Egypte, Mésopotamie, Ur, Ukraine…), il a fallu produire pour nourrir une population non productive, chargée de les défendre. Puis il a fallu imaginer une administration qui puisse organiser la distribution de l’alimentation entre les uns et les autres, coordonner son transport et créer un système de collecte (impôts) pour financer tout ça. Plusieurs milliers d’années avant notre ère, on assiste alors à la naissance des premiers états, qui se créent et se défont en fonction de leur capacité à gérer, conserver et collecter sur leur territoire de quoi nourrir leur population, leurs administrations, leurs soldats, tout en cohabitant avec des peuples qui ont conservé, parfois jusqu’au XVIIème siècle, une organisation plus “tribale” et un mode de vie pastoral fait de chasse, de pêche et de cueillette. Ces derniers, que l’on appelle encore aujourd’hui “les barbares”, agissaient comme des prédateurs vis -à -vis des sociétés sédentaires en les pillant.
L’État, qui est considéré comme une évidence de nos jours, a connu des débuts difficiles et lents. La naissance de structures étatiques s’explique par la nécessité de s’adapter aux conséquences induites par la sédentarisation et la concentration des populations, pour les nourrir : dépendance et fragilité aux aléas climatiques, organisation et coordination de grands travaux d’irrigation, et mise en place de stratégies de protection des productions agricoles, nécessité de s’agrandir et donc de conquérir pour nourrir une population que la sédentarité fait croître.
Et puis parfois, après plusieurs milliers d’années d’existence, en raison de sa dépendance à un nombre limité de plantes cultivées, de leur fragilité face aux aléas climatiques, des conséquences dramatiques des guerres et des épidémies provoquées par la concentration des populations et des commensaux, les états se sont effondrés. La reconfiguration des sociétés clairsemées qui s’en est suivie était une réponse aux transformations de leur environnement plutôt qu’une catastrophe irréversible. Ainsi, suite aux périodes d’effondrement d’états, succède souvent dans l’histoire une recomposition en petites unités territoriales, villages, tribus, clans… autour des bassins versants. Ces nouvelles organisations perdurent parfois plusieurs siècles, avec les ressources de leurs milieux, pour faire cohabiter culture, agriculture et tradition des chasseurs cueilleurs, jusqu’à ce que de nouveaux états les absorbent, soit par création, soit par conquête ou cooptation réciproque.
Cette mise en perspective historique, très résumée, montre combien le sujet de l’alimentation est à l’origine des événements et des évolutions qui ont façonné l’Histoire de l’humanité.
Alimentation: un enjeu mondial…
Depuis moins de deux siècles, nous avons vécu les années fastes d’une agriculture post-colonialiste et d’après-guerre qui a transformé la Terre en un gigantesque “supermarché” qui a donné l’illusion que l’alimentation serait disponible à un moindre coût en permanence. Devant cette abondance entretenue et cette accessibilité diversifiée et exhaustive, on a même pu croire que nous pouvions nous exonérer de continuer à produire dans les jardins qui nous entourent, en tout cas dans les pays “riches”.
Depuis quelques années, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas. Ces grands mouvements alimentaires mondiaux sont vulnérables aux crises financières, géopolitiques, économiques, aux catastrophes climatiques jusqu’à remettre en question la souveraineté alimentaire indispensable à l’existence des états. Ces grands mouvements alimentaires sont également à l’origine de crises sociales dans de nombreux pays déplaçant ou asservissant des populations aux traditions vivrières en les plongeant dans la misère, en impactant de manière dangereuse l’équilibre de vastes écosystèmes et en éloignant, pour un temps du moins, les conséquences désastreuses de modes de productions industrielles sur les milieux de vie, la faune et la flore, engendrant des catastrophes environnementales telles que pollution, déforestation, inondations, etc..
On voit bien, d’ailleurs, que les états dans lesquels subsistent la famine, la pénurie d’eau ou les dégradations environnementales au nom d’une production industrielle mondiale de l’alimentation sont des états régulièrement chahutés. Ces derniers ne subsistent que sous la perfusion d’aides internationales et leur surveillance stratégique attentive et interventionniste.
C’est dans ce contexte, pour « réparer » et « stabiliser» les distorsions de ce modèle que les instances internationales ont déployé depuis quelques dizaines d’années plusieurs programmes internationaux visant à « protéger » les enjeux liés à l’alimentation à l’échelle internationale des effets néfastes de sa mondialisation, sa dépendance au capital et à la spéculation. Tous sont essentiellement coordonnées par les Nations Unies, parmi lesquels:
- – Les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies : Adoptés en 2015, les ODD comprennent un objectif spécifique lié à l’alimentation, l’objectif 2, qui vise à « éradiquer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable ». Les pays membres des Nations Unies sont invités à mettre en place des politiques et des programmes pour atteindre cet objectif, ce qui a encouragé de nombreuses initiatives autour de l’alimentation.
- – Le Programme de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : La FAO est une agence spécialisée des Nations Unies qui a pour mission de contribuer à l’élimination de la faim dans le monde. La FAO met en place des programmes de développement agricole et rural, de gestion des ressources naturelles, de lutte contre la pauvreté, etc. dans de nombreux pays.
- – Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) : Le PAM est une agence des Nations Unies qui fournit une assistance alimentaire aux personnes qui en ont besoin, en particulier dans les situations d’urgence. Le PAM travaille également avec les gouvernements, les partenaires et les communautés pour renforcer la résilience alimentaire et favoriser le développement durable.
- – La Plateforme pour une alimentation durable : La Plateforme pour une alimentation durable est une initiative internationale qui vise à promouvoir une alimentation plus durable, en encourageant la collaboration entre les acteurs de l’alimentation, la mise en place de politiques alimentaires intégrées, la promotion des circuits courts, etc…
- – D’autres programmes alimentaires internationaux restent localisés à des grandes régions comme la zone Asie-Pacifique ou l’Amérique du Sud pour privilégier dans leurs échanges commerciaux la souveraineté alimentaire de ces régions.
Ces programmes internationaux ont encouragé des initiatives locales autour de l’alimentation dans différents pays, en mobilisant les gouvernements, les acteurs locaux et les citoyens. Et tous visent à répondre à 4 enjeux majeurs autour de l’alimentation:
– La sécurité alimentaire : c’est un enjeu majeur dans de nombreux pays, en particulier dans les pays en développement, où la faim et la malnutrition sont encore très présentes. L’insécurité alimentaire peut être causée par des facteurs tels que les conflits, les changements climatiques, les catastrophes naturelles, les crises économiques, les inégalités sociales, etc… Et si dans la sécurité alimentaire on inclut la ressource en eau, on comprend combien c’est un enjeu crucial. L’eau est l’une des seules ressources vitales dont la gestion est restée quasiment intégralement au plus proche des lieux de vie dans le monde entier. On considère que “La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active”. Cette définition a été adoptée par un consensus international depuis le Sommet Mondial de l’Alimentation réuni à Rome en 1996.
– Les impacts environnementaux de l’agriculture : l’agriculture est une activité récente dans l’histoire de l’homme (10 000 ans) qui a permis, comme on l’a vu, aux société humaines de se sédentariser. Tout au long de son histoire, par ses besoins en irrigations, en défrichage de terres, de forêts et plus récemment l’usage de la chimie, elle a engendré des impacts environnementaux importants, tels que la déforestation, la pollution des sols et des cours d’eau, la perte de biodiversité, l’utilisation excessive d’eau et d’engrais chimiques. Ces impacts affectent la qualité et la quantité de la production alimentaire, la santé des populations, la qualité de vie.
– La santé et le bien-être des populations : l’alimentation est également un enjeu de santé publique, surtout depuis qu’elle s’est industrialisée afin de nourrir le plus grand nombre. Une mauvaise alimentation peut entraîner des problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, etc… De plus, l’alimentation peut avoir un impact sur le bien-être des populations, en influençant leur qualité de vie, voire même leur culture et leur identité.
– Les enjeux socio-économiques : l’alimentation est également un enjeu socio-économique, par son impact sur l’emploi, les revenus de ceux qui en dépendent, les coûts de production, les prix des produits alimentaires dans les commerces. La politique alimentaire est donc primordiale pour la stabilité d’un territoire, d’un État, d’une région et a des répercussions géopolitiques à tous les échelons territoriaux.
… avec des solutions locales
Ces définitions sont un peu techniques et certains préfèrent le concept de souveraineté alimentaire développée et présentée pour la première fois par Via Campesina lors du Sommet de l’alimentation organisé par la FAO à Rome en 1961. Le principe de souveraineté alimentaire regroupe les 4 enjeux décrits plus haut en y intégrant une dimension territoriale. Elle est présentée comme un droit international qui laisse la possibilité aux populations d’une région ou d’un État de mettre en place les politiques agricoles les mieux adaptées à leurs caractéristiques sans qu’elles puissent avoir un effet négatif sur les populations d’autres pays. Elle intègre dans ses objectifs le respect des droits des paysans. La souveraineté alimentaire est donc une rupture par rapport à l’organisation actuelle des marchés agricoles mise en œuvre par l’OMC.
De fait, la souveraineté alimentaire accorde une importance prépondérante aux conditions sociales et environnementales de production des aliments. Elle prône un accès plus équitable à la terre pour les paysans et des mécanismes de sécurisation des droits d’usage du foncier.
Au niveau local, les défenseurs de la souveraineté alimentaire favorisent le maintien d’une agriculture de proximité destinée en priorité à alimenter les marchés régionaux et nationaux. Les cultures vivrières et l’agriculture familiale à petite échelle sont présentées par les défenseurs de la souveraineté alimentaire comme étant d’une grande efficacité économique, sociale et environnementale comparée à l’agriculture industrielle et les plantations de grande échelle où travaillent de nombreux salariés. La place et le rôle des femmes y tiennent généralement une place importante. La souveraineté alimentaire privilégie des techniques agricoles qui favorisent l’autonomie des paysans, mais aussi celle des milieux de vie et de leur population.
C’est dans la lignée un peu hybride d’un contexte alimentaire mondialisé et d’une préoccupation de souveraineté alimentaire des territoires que s’imaginent dans les pays industrialisés des programmes visant à recenser et renforcer la production et la consommation locale. De tels programmes voient le jour en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Asie. Ils mettent l’accent sur le besoin de développer des systèmes alimentaires locaux durables et de promouvoir la souveraineté alimentaire. Au fil des ans, les concepts de souveraineté alimentaire et de systèmes alimentaires durables ont été largement adoptés et intégrés dans les politiques publiques et les initiatives locales à travers le monde.
Zoom sur la France
En France, au milieu des années 2000, les instances territoriales s’emparent de nouveau des enjeux autour de l’alimentation et les liens qui unissent les humains à travers elle. Certaines collectivités s’emploient à territorialiser à nouveau leur alimentation, par l’ouverture de points de vente, l’approvisionnement local de leurs cantines ou des actions sur le foncier. En 2009, le plan Barnier pour les circuits courts consacre la prise en compte par l’État de la croissance explosive de ces formes de commercialisation.
Le 4 juillet 2014, l’Association des Régions de France adopte sa déclaration de Rennes « pour des systèmes alimentaires territorialisés ». Les Projets alimentaires territoriaux deviennent l’expression concrète de cette déclaration. Connus sous l’acronyme PAT, ils sont décrits dans l’article 39 de la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LOAAF) du 13 octobre 2014. Cette disposition confirme que l’agriculture, et les politiques qui lui sont appliquées, ne peuvent désormais plus s’envisager de façon indépendante des réalités locales. Tels que définis par la LOAAF du 13 octobre 2014 (Art. L. 111-2-2), les PAT s’élaborent “de manière concertée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire et répondent à l’objectif de (…) mise en œuvre d’un système alimentaire territorial. Ils participent à la consolidation de filières territorialisées et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique (…) Ils visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation (…) Ils s’appuient sur un diagnostic partagé de l’agriculture et de l’alimentation sur le territoire et la définition d’actions opérationnelles visant la réalisation du projet”.
De fait, les PAT sont des initiatives locales, portées par des collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements, régions) qui visent à construire une stratégie alimentaire territoriale en collaboration avec tous les acteurs de la chaîne alimentaire, de l’agriculteur au consommateur.
L’engagement de collectivités dans des projets alimentaires territoriaux est encouragé par la prise de conscience progressive des enjeux mondiaux tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, la durabilité et leur impact local. Les collectivités et l’opinion publique réalisent que les systèmes alimentaires locaux jouent un rôle crucial dans la dynamique territoriale à tous les niveaux. Ils influent sur la qualité de vie et apportent des réponses aux grands enjeux à venir.
Les PAT peuvent définir des objectifs, avoir une visée sociale, économique ou environnementale, mais généralement c’est la combinaison de plusieurs de ces aspects qui est traitée. En voici quelques exemples :
- Encourager l’agriculture locale : promouvoir les circuits courts, favoriser la production alimentaire locale. Cela implique de soutenir les agriculteurs locaux et de renforcer les filières d’approvisionnement en produits locaux.
- Promouvoir la production alimentaire durable : encourager les pratiques agricoles durables, notamment en matière de respect de l’environnement, de protection de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique.
- Sensibiliser les consommateurs aux enjeux de l’alimentation durable et encourager les pratiques de consommation responsables, notamment en matière de gaspillage alimentaire.
- Favoriser la création d’emplois locaux notamment en soutenant les filières d’approvisionnement en produits locaux et en favorisant le développement de la transformation alimentaire locale.
- Mieux préserver la biodiversité et la qualité de l’eau ;
- Redynamiser le tissu économique local ;
- Augmenter la part des produits bio et locaux dans les cantines.
Ce qui rassemble ces objectifs, c’est leur caractère collectif, commun et le fait qu’ils prennent en compte le sujet de l’alimentation dans son ensemble, de manière globale.
Ils répondent ainsi à de multiples enjeux : économique (maintien de la valeur ajoutée sur le territoire…), social (création de lien social…), environnemental (préservation de l’eau et des paysages…), sanitaire (lutte contre l’obésité…), et culturel (valorisation du patrimoine gastronomique, etc.). Ensuite, un plan d’action est développé pour mettre en œuvre les stratégies définies dans le PAT. Ce plan d’action peut inclure des projets concrets, tels que la mise en place de programmes d’éducation alimentaire, la création de partenariats avec les producteurs locaux, la promotion de la production et de la consommation de produits locaux, etc… Les résultats de ces initiatives sont surveillés régulièrement pour évaluer leur impact sur la sécurité alimentaire, la durabilité et la qualité de l’alimentation dans la région.
Le Projet Alimentaire Territorial (PAT) n’est pas une obligation légale pour les collectivités mais une démarche volontaire, marqueur d’un choix de favoriser une alimentation locale, de qualité, équilibrée et respectueuse de l’environnement.
Depuis leur lancement en 2015, les Projets Alimentaires Territoriaux ont connu un certain succès. Plusieurs dizaines de collectivités ont lancé leur propre PAT, avec des résultats
variables en fonction des contextes locaux. Les premiers bilans soulignent le renforcement des filières d’approvisionnement en produits locaux, en encourageant la production agricole locale et en développant des circuits courts. Ils ont également joué un rôle de sensibilisation des consommateurs aux enjeux de l’alimentation durable et de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Si l’on dézoome un peu, des initiatives et stratégies similaires ont vu le jour dans le monde entier. En Amérique du Nord, les Food Policy Councils (Conseils de Politique Alimentaire) sont des structures similaires aux PAT, qui ont pour objectif de créer une stratégie alimentaire intégrée à l’échelle locale. Ces structures ont été mises en place dans de nombreuses villes des États-Unis et du Canada, comme New York, Toronto ou Montréal. En Europe, le mouvement des Villes en Transition a également inspiré des initiatives similaires aux PAT qui ont pour but de favoriser la résilience alimentaire en ville, en promouvant la production locale et les circuits courts de distribution.
Au niveau international, des initiatives telles que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et la Plateforme pour une alimentation durable (Food Sustainability Platform) ont pour objectif de promouvoir une alimentation durable à l’échelle mondiale, en encourageant les initiatives locales et territoriales.
Ainsi, les PAT ne sont pas des initiatives isolées et peuvent s’inspirer d’autres exemples de projets d’alimentation et de stratégies similaires dans le but de promouvoir une alimentation saine, durable et résiliente à l’échelle locale.
Pour autant, comme tout programme de cette envergure et de cette importance, les PAT subissent aussi des critiques :
- Dans le paysage alimentaire mondial, les Projets Alimentaires Territoriaux paraissent aller parfois à l’encontre des programmes internationaux en fragmentant la stratégie alimentaire globale. On leur reproche de ne pas aborder les enjeux à grande échelle, tels que la mondialisation de la production, la distribution alimentaire et de négliger certaines régions du monde qui connaissent de graves pénuries et précarités, où toute perspective de souveraineté alimentaire est impossible.
- Leur portée souvent limitée à l’échelle locale passe pour un repli sur soi dommageable pour la solidarité. Dans les bilans, on souligne parfois que la mise en place de PAT occasionne des coûts élevés en termes de financements et de ressources humaines qui ne sont pas en phase avec les résultats obtenus.
- Enfin, les PAT sont également critiqués comme ayant un aspect rétrograde, car en développant une stratégie alimentaire adaptée aux ressources, à la capacité et aux spécificités territoriales, ils ne prennent pas en compte l’évolution de la diversité culturelle et des habitudes alimentaires des consommateurs qui ont énormément évolué ces dernières années. Il semble qu’un des enjeux des PAT dans les prochaines années soit sa capacité à intégrer une réflexion sur la diversité culturelle.
Retour en Bretagne Romantique
Globalement, sur la grande fresque de l’histoire humaine, les PAT renouent avec le souci de la qualité de la relation nourricière entre le milieu et les populations qui y vivent. Après des années d’euphorie mondialisée, les nombreuses crises récentes ont montré que le système alimentaire mondial était un colosse aux pieds d’argile avec des défaillances et que par conséquent, la souveraineté alimentaire des territoires dépendait de trop de facteurs sur lesquels ils n’avaient aucune maîtrise.
L’engagement des collectivités dans des Projets Alimentaires Territoriaux marque donc un symbole fort en voulant construire une stratégie alimentaire territoriale qui implique tous les acteurs de la chaîne alimentaire, de l’agriculteur au consommateur, en favorisant la production agricole locale, la sensibilisation des consommateurs, la création d’emplois locaux et une reprise en main localisée d’une certaine autonomie qui s’exonère des crises en proposant un cadre pour une alimentation locale de qualité à destination du plus grand nombre.
Il s’agit d’une opportunité pour balayer tout le spectre de la relation nourricière entre une population et son milieu de vie, tout en s’exonérant le plus possible des soubresauts et des aléas internationaux et en intégrant certaines réalités spécifiques aux territoires.
Ainsi, plusieurs thématiques, qui jusqu’à présent passaient un peu sous les radars des préoccupations des PAT, font malheureusement une entrée fracassante parmi les enjeux majeurs, jusqu’à ajuster légèrement l’appellation d’origine.
Ainsi, comme le souligne le vice-président en charge de l’environnement et des transitions à la Communauté de Commune :
“Le PAT sera en fait un PAAT (Projet Alimentaire et Agricole Territorial). Nous avons voulu l’appeler ainsi pour bien mettre l’accent qu’un Projet Alimentaire Territorial se fait avec tous les acteurs du monde agricole. Il faudra que le PAAT prenne en compte les difficultés d’accès au foncier d’une nouvelle génération de producteurs dans son diagnostic. Lorsque les sécheresses se multiplient et que la ressource en eau sur notre territoire n’est pas suffisante, la question de sa gestion sera aussi primordiale”.
A travers cette mise en contexte, voilà à quoi peut servir un Projet Alimentaire et Agricole Territorial.
Au sein de BVBR, qui a fait de la promotion et de la sensibilisation à l’alimentation locale l’un des piliers de sa dynamique citoyenne et de toutes ses actions depuis 3 ans, nous ne pouvons que nous réjouir de la perspective de ce PAAT dans lequel s’engage la Communauté de Communes. Gageons qu’une partie des actions engagées depuis quelques années par plusieurs associations et représentants de la société civile autour de l’alimentation locale et d’une prise de conscience de l’importance de nos milieux de vie, soit un terreau favorable au déploiement efficace de ce PAAT.
Corto Fajal (30/04/2023)