Parole citoyenne #7
Si, cette semaine, la newsletter hebdomadaire a tardé à venir, c’est parce qu’en ce moment la méteo BVBR n’est pas terrible, et qu’au vu de l’actualité, il a fallu trouver les mots pour l’exprimer.
Comme toutes les associations, nous connaissons des temps de fulgurance et des temps plus difficiles. Une sorte d’essoufflement généralisé se fait sentir dans les équipes et les différentes commissions ces dernières semaines. La faute à une vie quotidienne chronophage pour tout le monde, une météo qui joue avec nos humeurs et dans ce contexte un peu morose, trouver de la place pour l’engagement associatif n’est pas toujours facile. Et puis disons-le aussi, depuis 4 ans l’équipe fondatrice a essuyé pas mal de peaux de banane qui émoussent et éreintent sa belle énergie et elle cherche un nouveau souffle.
Forcément dans ce contexte, les quelques mauvaises nouvelles entament durement le moral des troupes. Parmi elles, c’est avec sidération que nous avons appris par le biais d’un article sur Ouest-France du lundi 29/04 le refus des élus de la Communauté de communes de notre territoire concernant notre demande de soutien dans le cadre des fonds de solidarité départementaux. L’objectif de notre demande était de pouvoir continuer à expérimenter nos actions autour de l’alimentation avec comme colonne vertébrale le marché ambulant.
Plus que le refus en lui même, c’est le motif invoqué qui interroge: nos activités dépendraient du secteur marchand et économique et sortiraient du champ de la solidarité. Un argument injuste qui est vécu comme un camouflet au regard des 2 000 heures que consacrent une trentaine d’habitants chaque année au marché ambulant et à nos actions autour de l’alimentation, ainsi qu’à la centaine d’heures d’enquête publique qu’ont menées une dizaine de bénévoles de l’association et offert à la Communauté de communes dans le cadre de son Projet Alimentaire Territorial.
Nous sommes confus quant à l’interprétation des élus de notre territoire, qui à l’exception d’un seul qui s’est abstenu, ont tous validé cette décision pour ce motif « marchand et économique » pour qualifier une dynamique citoyenne et bénévole reconnue par l’État dans sa dimension de solidarité et d’utilité sociale, en lui accordant le label ESUS.
Rappelons que depuis 4 ans, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour promouvoir l’alimentation locale. Nous avons collaboré avec plusieurs communes, des centres sociaux, des centres de loisirs, des organismes de réinsertion, des producteurs, des écoles, des organismes de formation, des organisations caritatives, des mouvements de jeunesse, des commerçants. Comme par une cruelle ironie, cette décision intervient alors même que nous publions à destination de nos partenaires financiers un bilan exhaustif de nos actions sur nos trois années d’existence. Une belle opportunité de réparer pour ceux qui le souhaitent la méconnaissance et l’incompréhension de nos actions, ou d’essayer de déceler la « dimension marchande et économique » dans ce compte-rendu largement distribué et consultable ici.
Il n’en reste pas moins que sur un bassin de 35 000 habitants, nous sommes toujours conjoncturellement et structurellement fragile dans notre expérimentation et volonté de rendre accessible au plus grand nombre une alimentation locale de qualité. Les expérimentations similaires de nos voisins autour de Rennes et de Saint Malo bénéficient de bassins plus importants de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Nous ne sommes plus très loin de l’équilibre, mais les financements accordés par la Région et l’Etat en la matière s’épuisent. L’objet de notre première demande de soutien officiel à la Communauté de communes depuis notre existence, via ces fonds de solidarité départementaux, n’avait pas d’autre objectif que de nous permettre d’expérimenter encore un peu jusqu’à atteindre le point d’équilibre que l’on perçoit accessible à moyen terme.
Avouons-le, la motivation de ce refus nous désarçonne. Dans ce projet, ce qui anime chacun d’entre nous, c’est d’être pour : pour une alimentation saine, pour un cadre de vie de qualité, pour le lien social, pour la solidarité, pour la coopération, pour le plaisir de faire ensemble, pour….
Je crois qu’aucun d’entre nous n’a prévu dans son engagement d’être contre, de se battre contre, aucun d’entre nous n’a prévu d’épuiser son énergie à se mobiliser contre, et surtout pas contre la collectivité du territoire sur lequel nous vivons. Partout où les institutions locales et l’initiative citoyenne unissent des forces complémentaires, le résultat est exponentiel. Aucun d’entre nous n’a d’énergie à perdre dans une adversité institutionnelle inadaptée aux enjeux de notre époque.
Nous avons un salarié, presqu’une quarantaine de producteurs qui nous accompagnent et pas loin d’une petite centaine de familles du territoire qui comptent sur le marché pour s’approvisionner en circuit court régulièrement. Là où les élus ont raison, c’est que nous évoluons dans un contexte économique aux règles imparables qui rendent impossible le maintien d’une activité s’il n’y a pas d’équilibre. C’est pourquoi des domaines comme la culture, le social, la solidarité ont besoin d’être soutenus. Nous sommes fragilisés, et les semaines à venir vont nous obliger à prendre des décisions importantes. C’est pour cela que l’ensemble des membres de l’association, les sympathisants, les clients du marché, les producteurs sont conviés à notre prochain Conseil d’Administration extraordinaire le 16 mai prochain à 18h30 aux Serres, pour discuter des différentes options qui s’offrent à nous concernant l’avenir du marché ambulant et de nos actions autour.
Rassurez vous, après l’orage vient l’éclaircie, et nous évoquerons aussi des projets exaltants comme celui de la production maraîchère sous serre et en plein champ que nous préparons à destination des associations et centre sociaux pour que leurs bénéficiaires profitent d’une alimentation locale bio et de qualité. Et dans un horizon où ce serait carrément l’été, notre petit doigt nous a soufflé que nous pourrions avoir dans les mois qui viennent la surprise d’une visite officielle importante.
Rappelons, pour finir, que cette tribune citoyenne est libre et n’engage que celui qui l’écrit. Comme cette dernière est un peu moins neutre que les autres, je la signe en mon nom personnel et j’assume.
En attendant, le marché ambulant est encore ouvert, et pour le faire vivre nous avons besoin de vos commandes!
Bonne semaine !
Corto Fajal
Habitant de Bretagne Romantique