La période actuelle, au-delà de la charge anxiogène qui la caractérise, nous amène à remettre en questions les paradigmes dont nous avons été abreuvés depuis plusieurs décennies. Depuis les fameuses 30 glorieuses qu’ont connus les plus âgés d’entre nous, au moins au cours de leur enfance, nos sociétés occidentales ont fait reine la consommation. Après les restrictions, les pénuries, les rationnements, dus à la guerre, aux conditions météorologiques, aux maladies, l’abondance est devenue l’horizon indépassable de nos sociétés. Avec les coûts en matière d’environnement et d’exploitation des ressources et du tiers monde que nous connaissons. Mais cela fonctionnait, il suffisait de claquer du doigt, ou plutôt de présenter sa carte de crédit pour avoir à peu près tout et n’importe quoi. Ainsi, nos générations nées après la guerre n’ont connu que la frustration, jamais le manque, dès lors bien sûr que nous faisions partie des classes moyennes. Pourquoi cela aurait-il du s’arrêter ? Nous développons des techniques toujours plus efficaces, nous allons chercher les matières premières là où c’était impossible il y a encore 10 ans, nous sommes au stade de la robotisation de tout ce qui peut exister. En clair, plus rien ne nous résiste.
Évidemment cela a un prix, que nous avons commencé à payer. Et ce n’est que le début. Et puis il y a toujours des têtes pensantes pour nous promettre le remède dans la fuite en avant technologique, même si le remède risque comme souvent d’être pire que le mal.
Cependant, puisque nous disposons de cette technologie et de connaissances que nous n’imaginions même pas, il y plus grave que les crises que nous traversons. En effet, et loin de moi le goût de déclarer que c’était bien mieux avant, il faut pourtant admettre que depuis une vingtaine d’années nous faisons marche arrière sur de domaines essentiels, à commencer par la santé. Comment admettre qu’en 2022 il soit quasiment impossible de trouver un médecin, un dentiste, un ophtalmo ? Que l’ensemble des services publics, et particulièrement l’hôpital ou l’éducation soient en carence telle que l’on peut s’interroger sur leur avenir ? Que l’on n’est plus capable de produire des produits (la moutarde par exemple) qui ont pu faire l’identité de notre pays ?
Quand je passe entre les rayons vides des supermarchés, quand je fais la queue devant des stations de carburants en rupture de stock, quand je vois les prix de l’énergie exploser, quand j’entends qu’on risque fort d’être rationnés en électricité cet hiver, je me dis que ce monde qui continue à surconsommer avec démesure n’a même pas su tenir sa promesse initiale. A l’heure de l’Iphone 14, inutile concentré de technologie qu’aucun utilisateur n’est à même d’exploiter au quart de ses capacités, on est infoutus d’assurer le chauffage pour tous. La débauche technologique mise dans la relance du spatial n’améliore en rien une offre de santé en déliquescence. Et les visios les plus élaborées ne remplacent pas les profs manquants.
Dans ce contexte, on pourrait croire que toutes les initiatives fondées sur la résilience et la sobriété auraient le vent en poupe. Et elles ne manquent pas, preuve que notre imagination ne se cantonne pas à l’ingénierie. On a redécouvert ces dernières années des matériaux renouvelables qui avaient été remisés aux oubliettes avec l’avènement des fibres synthétiques, du ciment, de la chimie en général. Rien que sur le marché, les savons, les éponges et autres produits ménagés d’alternative écologique en sont des exemples parlants.
C’est pour les raisons exposées plus haut qu’il est souhaitable que de plus en plus nous nous tournions vers ces solutions qui tiennent compte de notre environnement et se font au plus local qui soit. Dire stop à un modèle économique qui ne présente plus d’avenir réel, et relocaliser en fonction de nos besoins. C’est bête, il suffit d’y penser…